• Le métier d'éditeur

     

    Dans le film Le Nom de la Rose, l'abbaye possède une bibliothèque gigantesque, dans laquelle sont conservés tous les livres et par conséquent les connaissances. Mais ces livres ne sont pas édités et imprimés en série : ils sont fabriqués à la main, copiés par les moines copistes, patiemment, page après page, ce qui est un travail fastidieux et minutieux. 

    Ces moines jouent le rôle qui est celui des maisons d’édition et des imprimeurs de nos jours. En effet à l’époque, l’imprimerie n’existait pas encore et la transmission du savoir se faisait par les moines. C'était l'Église qui s’occupait de transmettre le savoir, parce qu'elle en détenait le monopole, alors qu'aujourd'hui l'accès à l'information est très simple et peut se faire par Internet, mais surtout grâce aux livres, qui résultent d'un travail entre auteur, maison d'édition et imprimeur. Ces métiers remplacent ceux des moines.

     

     

    Comme deux journalistes curieuses et avides d’informations à propos du monde qui nous entoure, nous nous sommes questionnées sur l’évolution du métier d’éditeur. Nous nous sommes donc glissées dans les coulisses de la littérature et avons enquêté sur ce métier qui reste pourtant inconnu du grand public.

     



    Le point Histoire

    Ce métier d'éditeur était au début une fonction qu’assuraient soit les imprimeurs soit les libraires. Il est apparu réellement au XIXe siècle, qu’on appelle d’ailleurs « grand siècle de l’édition », en partie grâce à plusieurs événements convergents :

    • Le développement de l’imprimerie, qui ne réalise plus seulement des livres mais aussi des affiches, des journaux, etc.

    • L’école qui devient plus accessible à la population, ce qui fait augmenter le nombre de lecteurs.

    • L’industrialisation qui permet de produire en masse et en peu de temps

    Toutes ces évolutions, voire révolutions, ont fait beaucoup progresser, de sorte que l'activité d’éditeur s’est transformée petit à petit, pour devenir un métier à part entière.

     

     

    Et aujourd’hui ?

    De nos jours, celui qui travaille dans l’ombre mais qui s’occupe de diffuser largement le savoir, c’est l’éditeur, ou plutôt la maison d’édition. Peu mis en vedette lors de la publication d’un livre, il est pourtant essentiel. Vous voulez un peu plus de détails ?
     

     

    Être éditeur ou éditrice, c’est aimer les livres et avoir une grande culture littéraire. C’est l'éditeur qui a le premier contact avec le manuscrit que lui envoie l’auteur, qui le lit, l'analyse et finalement décide si l’histoire et le style d’écriture méritent d'être publiés.

    L'éditeur signe alors avec l’auteur ce qu’on appelle un contrat d’édition (contrat  par lequel l’auteur cède à un éditeur le droit de fabriquer des exemplaires de l’œuvre).

    Mais contrairement à ce que l’on croit, l’éditeur ne travaille pas tout seul : la publication d’un livre nécessite la collaboration d’autres métiers, dont bien sûr l’auteur, le comité de lecture au sein de la maison, le correcteur, le maquettiste, l’imprimeur, le relieur-brocheur et le publiciste. L’édition d’un livre est donc avant tout un travail d’équipe. L'éditeur doit savoir gérer tout ce monde et coordonner la production du livre. Il doit programmer sa distribution et maîtriser le budget alloué à l'édition.

    Selon Robert Laffont, « un éditeur recherche et choisit ce qu’il transforme en livres et d’autre part, il s’efforce d’informer le plus grand nombre possible de lecteurs de l’existence de ceux-ci ».

    Tous les manuscrits envoyés à une maison d’édition ne sont pas publiés. Parfois, l’éditeur ne les publie pas car il ne répondent pas aux critères, ou parce qu’ils sont tout simplement mauvais. Il est difficile de refuser, mais il faut savoir que les critères fixés sont avant tout donnés par celui qui va acheter le livre, et par conséquent contribuer au bénéfice de l’auteur, de l’éditeur et son équipe, de l’imprimeur etc. 

     

     

    Rencontre avec un éditeur

    C’est à Pollestres, dans des locaux où les livres se bousculent sur les étagères, que nous avons rencontré M. Benjamin Jugieau. Il dirige la maison TDO éditions, et a bien voulu nous éclairer à propos de son métier, son parcours, son expérience, etc. Il nous a appris énormément de choses, et comme nous voulons vraiment les partager avec vous, nous avons tout retranscrit :

     

     

    M.Jugieau, pouvez-vous nous expliquer votre parcours, et comment le projet d’une maison d’édition a vu le jour ?

    J'ai passé un bac littéraire, puis j'ai fait une fac de philosophie. A l'époque, j'étais auteur et j’aspirais à devenir écrivain. J'ai écrit mon premier roman, que j'ai diffusé moi-même dans les librairies du coin. Puis je voulais créer une entreprise, donc je me suis lancé avec pas grand-chose, et j'ai monté Tdo éditions en 2004. Nous sommes partis de rien, mais en douze ans, cette maison est devenue la principale maison d'édition régionale du sud de la France.

    Et pourquoi ce métier en particulier ?

    Comme je vous ai dit plus tôt, j’étais au départ auteur. Malheureusement, il est difficile d’en vivre, donc de fil en aiguille ma passion de l’écriture m’a amené à devenir éditeur. Mais cela prend énormément de temps, de travailler sur les textes des autres, je n’ai plus le temps d’écrire....

    Les livres que vous éditez, comment les choisissez-vous ?

    On aspire à des textes assez travaillés, dans le sens de notre clientèle. Notre lectorat recherche du régionalisme. On a un comité de sélection, ou on retient certains titres. Evidemment, la première chose est la qualité de l'intrigue, ensuite vient la qualité d'écriture. Il est très difficile de trouver un texte bien écrit à la base, il y a des fautes d’orthographe, une mauvaise expression... Donc lorsque l'on choisit une œuvre, on annote les phrases mal dites et tous les petits détails qui font la différence, pour que l'auteur puisse les reprendre. C'est une navette entre l'auteur et la maison d'édition. Parfois, on a une histoire, et notre travail est de reprendre l'auteur pour pouvoir amener le texte à devenir un livre.

    Combien de temps prend la publication d'un livre ?

    Entre le moment où on accepte de prendre un ouvrage et le moment où il est dans les librairies, il peut se passer entre quatre et six mois minimum. Il y a un mois de travail de lecture avec l'auteur, c'est la navette. Puis il faut choisir quelle couverture est la meilleure. Ensuite on envoie à l'imprimerie, ce qui peut prendre deux à trois semaines. Puis vient tout le travail de diffusion dans les magasins : on livre en Languedoc-Roussillon, en Ariège et dans le Tarn. Notre diffuseur les livre en Midi-Pyrénées, en Provence-Alpes-Côte-d'Azur et en Aquitaine.

    Pourquoi ne publiez-vous des livres que dans le sud de la France ?

    On est une maison d’édition régionale, c'est notre particularité. Nous faisons en fonction de ce que les gens veulent, et cela ne nous sert pas à grand-chose de faire du national. On publie surtout des thématiques du sud, d'ailleurs nous avons trois collections : « Histoire du Sud », « Terres du Sud » et « Polar du Sud ».

    Vous sentez-vous menacés par les livres électroniques et les bibliothèques du futur ?

    Non, car finalement on s'y met aussi. Vous savez, tous nos livres sont sur ordinateur. Donc pour l’instant, on ne se sent pas vraiment « menacés » à ce niveau-là. De toute façon, il faut un accord pour que les livres se retrouvent sur ordinateur ou dans les bibliothèques «du futur ».

    Faites-vous de la publicité pour vos livres ?

    Oui, c’est une étape presque obligatoire de nos jours ! On crée des événements, on convoque la presse, quelques articles dans les journaux et sur la radio parfois, tout un tas de petites choses, mais franchement c'est difficile. Ce n'est pas comme les livres de Guillaume Musso, qui sont à la Une partout après leurs sortie ! Parfois on se déplace dans les grandes surfaces avec les auteurs, ou à la fête du Livre au quai Vauban le 23 avril, cela permet de nous faire connaître.

    Vous recevez beaucoup de manuscrits ?

    Oui, énormément, mais on en refuse plus de 90 %. Comme je vous ai dit tout à l’heure, travailler sur un livre prend beaucoup de temps. Depuis 2004, on a publié 250 romans, c'est très concurrentiel, et au total on a vendu 400 000 livres dans la région depuis notre commencement.

    Comment est répartit le prix d'un livre ?

    Sur un livre de 20 euros, on doit compter entre 2,50 et 3 euros pour le coût de fabrication. La marge du libraire est de 30 % soit 6 euros. Si l'on passe par un diffuseur en plus, c'est 50 %. Il ne reste que 7 euros, l'auteur prend 10 % sur le prix d'achat, soit 2 euros. Il ne reste plus que 5 euros et on enlève 1 euro de TVA. Donc sur un livre de 20 euros, je ne touche que 4 euros, avec lesquels je dois payer le loyer du local, les salaires de mes deux employés, la connexion internet, et pour le livreur l'essence et les péages, plus les taxes de l’État.

     

     Voici un petit aperçu des locaux de la maison d’édition TDO

     

     

    Sant Jordi : la fête du Livre et de la Rose

     

     

    Nous nous sommes également rendues à la fête du Livre et de la Rose, à la rencontre des éditeurs, des libraires et des auteurs. L'occasion d'échanger, de se cultiver et de s'offrir des fleurs et des livres pour faire de Perpignan une grande rambla à ciel ouvert et célébrer son empreinte catalane et méditerranéenne.

    La Sant Jordi est l'une des plus belles fêtes catalanes, qui se déroule le 23 avril, jour de la Saint-Georges, patron de la Catalogne. La tradition veut que chaque année, on offre une rose, et depuis peu un livre. Depuis 1995, l'UNESCO en a fait la Journée mondiale du Livre et du Droit d'Auteur. Sant Jordi est le symbole de l'identité catalane.

    Les auteurs et éditeurs de la région viennent proposer leurs œuvres sur le quai Vauban, sur les berges de la Basse, non loin du Castillet, ainsi que dans des petits coins de Perpignan. Nous y avons retrouvé M. Benjamin Jugieau dans son stand Tdo-éditions, qui vient faire connaître les livres qu'il a publiés. Il était accompagné de plusieurs de ses auteurs.

     

    Ces rassemblements sont bien plus qu'une tradition. Ils permettent aux auteurs et éditeurs de la région de diffuser la culture catalane et méditerranéenne, et surtout de se faire connaître et de vendre beaucoup de livres. C’est un métier très difficile, comme nous l'avait dit Benjamin Jugieau, alors toutes les occasions pour se faire connaître sont bonnes à saisir.

     


    Camille A. et Mathilda R., 203.